En attendant

Une photo. Une simple photographie peut, à elle seule, bousculer Ies consciences les plus assoupies, les moins enclines à l’émotion ou à l’empathie. Celle d’un enfant échoué sur une plage. Mort. Plus proche du « dormeur du Val » que des jeunes êtres, nus pour certains, courant en hurlant sous

le napalm américain au Vietnam. Ce petit corps sans vie suscite, face au réalisme cru et a l’émoi qu’ il provoque, bien des interrogations.

Il y a les tenants de la position que l’Union Européenne ne saurait, à elle seule, absorber toutes les misères de ceux qui la fuient, croyant trouver ailleurs l’Eldorado en même temps qu’un régime politique moins astreignant que celui dont ils s’éloignent. D’autant que le taux de chômage ne cesse de grimper dans ces pays, argument-ils.

Il y a ceux qui estiment que le nombre de ces pauvres à accueillir n’est pas des plus exorbitant et que si chacun fait un effort, leur intégration devrait pouvoir se réaliser sans obstacle vraiment

insurmontable….

Et puis il y a les « oui, mais ». D’accord si…les collectivités locales ne supportent pas, seules, la prise en charge des hébergés; si tout le monde se mobilise, voisins, Etat, particuliers, …si…si…

En attendant, les frontaliers doivent faire face au flux migratoire. Sur terre, par la mer.

En attendant, les réseaux de passeurs – ce n’est pas une nouveauté – exploitent sans état d’âme ces situations.

En attendant la communauté internationale — ce n’est pas non plus une révélation — tergiverse.

Elle si prompte à montrer du doigt les « méchants » (qui fluctuent en fonction des contrats juteux passés ou à venir).

En attendant, le politique ne pense trop souvent qu’en termes de sondages et d’élection. Et bien sur, de réélection. Dans son charabia stéréotypé, a-t-il parfois pris la mesure de son «  ignoritude » profonde et indécrottable face-aux situations su-dites, par conséquent non anticipées, qui se présentent à lui ? Et dont, trop souvent il est à l’origine en qualité de séide de la haute finance….

Pourvu que les actionnaires y trouvent leur compte, que les pires indécences continuent de pleuvoir et que les retraites parlementaires soient régulièrement versées, où sont les problèmes ?

Tant que Facebook, twitter, iPod, Start-up, Road-Movie, ou appli Wine Advisor (et si, ça s’invente !) fonctionneront, seule une simple photo pourra venir perturber cette belle harmonie.

Car, pendant ce temps, la désespérance gagne du terrain. Et pas seulement dans les classes sociales les moins favorisées.

Pendant ce temps, le fossé se creuse entre les nantis et les autres, les communautarismes organisent leur repli sur eux-mêmes, des formes fanatismes s’imposent, les pertes de valeurs fondamentales profitent à des minorités sectaires.

Le trait est forcé ? Le tableau noirci ? Chacun évaluera ce propos à l’aune de sa propre sensibilité.

Comme il serait agréable de laisser couler les mots pleins de sourires et d’espoir.

«  Je ne chante pas pour passer le temps » disait Ferrat.

En attendant un petit corps sans vie, sur une plage, hantera longtemps la conscience humaine. Celle de ceux qui ne sont pas encore la proie du désespoir journalier ou de ceux que ce type de

réalité ne peut atteindre.

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